L’année 1944 à St Geyrac racontée par l’instituteur

A la demande du préfet de la Dordogne à la Libération, M. Maxime Roux, l’instituteur de St Geyrac, M. Roger Cousty, fait le récit des évènements qui se sont produits à St Geyrac pendant l’année de guerre 1944. Ce texte manuscrit du 4 octobre 1944 est tiré des archives de Josette Galinat.

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Ci-dessous, la transcription du texte manuscrit.

« St Geyrac

Historique de l’occupation dans la commune de St Geyrac jusqu’à la libération :

          St Geyrac, petit village situé au cœur d’un étroit vallon, à l’orée de la forêt Barade, a connu comme tant d’autres contrées du département les affres de l’occupation nazie.

          Placé au croisement des routes et chemins menant à Ladouze, Rouffignac, St Pierre de Chignac, Milhac d’Auberoche, entouré de bois de tous côtés, St Geyrac était particulièrement désigné pour abriter des camps de maquis.

         Aussi, dès le début de Janvier 1944, les détachements «Hercule1» et «Gardette1» prirent-ils position sur le territoire de la commune. Par la suite, d’autres groupes leur succédèrent ; ces groupes ne devaient quitter notre région que pour participer à la prise de Périgueux les 19 et 20 août 1944.

          A maintes reprises, les hordes nazies souillèrent de leur passage le sol de ce petit village.

          Le samedi 4 mars 1944, une colonne allemande arrive à St Geyrac à 12h30 ; à tous les carrefours, les barbares mettent des canons en batterie ; ils interrogent les habitants qui restent muets ; deux heures après, la colonne repart sur Périgueux – sans résultats.   Le samedi  1er Avril, au lendemain des atrocités de Rouffignac, après avoir incendié cette coquette bourgade et déporté un grand nombre de ses habitants, la trop fameuse division Bremmer2 « SS » fait son apparition à St Geyrac à 13h30 ; les teutons se répandent dans tout le bourg ; les habitants sont terrifiés et cependant bien décidés à faire leur devoir car lorsque les allemands leur demandent où se trouve  le maquis, ils n’hésitent pas  à répondre qu’ils n’en ont jamais vu dans la commune. Alors commence la perquisition dans les maisons ; tout est fouillé, armoires, lits sont détournés de fond en comble et cela jusqu’à cent mètres du bourg ; les nazis n’osent pas s’aventurer au-delà ; ils redoutent trop ces maquis mystérieux, insaisissables qui sont partout et qu’ils ne voient jamais ; leur crainte sauve la commune de la destruction totale ; en poussant plus avant leurs recherches, ils auraient  trouvé des traces évidentes de la présence du maquis dans la région ; à deux cents mètres du bourg, se trouvait une maison habitée remplie d’habillements militaires ; un peu plus loin une maison renfermant caisses de munitions et pansements individuels. Les allemands mettent un canon en batterie et tirent sur une grange située au lieu-dit  » les Bessèdes  » qui prend feu ; puis une colonne se dirige vers le  » Moulin de la Grellerie  » ;  là, une maison inhabitée et couverte de lierre leur paraît suspecte ; les propriétaires, Melles de Lamenuze habitent Périgueux. Cette maison contient des meubles et des objets précieux  ainsi que les instruments de travail d’un métayer voisin ; sans raison, les bandits mettent le feu au bâtiment. Leur forfait accompli, ils rejoignent le gros de la troupe qui continue son sanglant chemin ; il est 18 heures. Le lendemain, dimanche 2 avril, des éléments de passage viennent à nouveau perquisitionner mais ne s’attardent pas.

          Le jeudi 25 mai, les GMR3, gardes mobiles, encadrés par la milice, arrêtent le facteur de St Geyrac, Auzy, père de trois enfants, soi-disant communiste alors que cet homme n’a jamais appartenu à un parti politique ; il est incarcéré par la suite à la prison de Limoges où il reste deux mois en cellule.          Le 15 août, au matin, vers neuf heures, St Geyrac a pour la dernière fois la visite des allemands et des cosaques- qui tirent sur une voiture du maquis ; ils la capturent, mais les occupants n’y sont plus ; fous de rage, ils ouvrent le feu sur de paisibles cultivateurs  travaillant dans un champ de maïs ; personne n’est touché, mais les balles sifflent en toutes directions sur le village. Vers onze heures, les sinistres soldats cessèrent le feu et se replièrent sur St Laurent.

          Le 20 août, la commune apprend avec une joie immense la libération de Périgueux ; tout retour des barbares est désormais  écarté et les habitants vont enfin pouvoir retrouver leur quiétude. La population de ce petit village de St Geyrac est à citer en exemple quant à l’esprit de résistance dont elle a fait preuve ; il n’y a eu dans la commune aucune dénonciation et le maquis y a toujours reçu un accueil des plus sincères et des plus sûrs ; tous se sont unis de toutes leurs forces et de toute leur âme contre l’ennemi commun qui nous a fait tant de mal : l’allemand.

St Geyrac, le 4-10-44»

2 signatures :    le maire :      M. Louis Plazanet

            l’instituteur : M. Cousty4

Des précisions apportées par Jean Duvaleix :

  1. Les détachements “ Hercule” et “ Gardette” étaient des groupes de résistants liés au mouvement FTP (Francs-Tireurs et Partisans).
  2. La division Brehmer a été constituée à partir de mars 1944 pour réduire par tous les moyens les forces du maquis dans le département, pour décourager le soutien de la population à la résistance, pour arrêter les juifs non encore déportés.
  3. Les GMR, Groupe Mobile de Réserve, unités paramilitaires créées par le gouvernement de Vichy, ont participé à la lutte contre la résistance sous l’autorité de l’armée allemande.
  4. L’instituteur, M. Roger Cousty, remplaçait M. Paris, titulaire du poste, prisonnier de guerre en Allemagne.

Cette photo mise en avant à la tête de l’article a été prise par le photographe Louis Delmarès:

Rouffignac incendié par les Allemands le 31 mars 1944 – Les ruines – Grand’Rue

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